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Preambule

Quelques notions de geographie peuvent s'averer utiles pour suivre ce recit. La ville d'Istanbul s'etale sur trois bouts de terre. Au sud, Sultanahmet est le coeur historique de la ville. Residence des empereurs et des sultans au cours des siecles, la concentration de monuments y est impressionnante. Au nord, Beyoglu abritait traditionnellement les etrangers et constitue aujourd'hui le centre dynamique et commercial d'Istanbul. Ces quartiers sont tous deux sur la rive europeenne mais sont separes par un bras de mer: la Corne d'Or. La rive asiatique, de l'autre cote du Bosphore, est globalement plus pauvre et plus agitee.

La monnaie en vigueur est la nouvelle lire turque (YTL), reevaluee en 2005 suite aux fortes inflations des annees 1990s. 1 Euro equivaut a 1.75YTL mais de nombreux turcs parlent encore en anciennes lires (tiens, je connais un autre pays qui ...).

Arrivee a ISTANBUL, TURQUIE, 23-28 Janvier

train

23/01

Je reserve une couchette aupres du controleur turc; je recois en retour un compartiment entier. Je prends mes aises, deballe mes reserves de nourriture et traverse le Danube en grignotant des chips. Dehors se succedent de vastes etendues enneigees et des friches industrielles. Le paysage n'a pas vraiment de pouvoir attractif en Bulgarie.

Ayant l'inconvenient de traverser trois pays, la ligne Bucarest-Istanbul propose a son menu pas moins de quatre controles de passeport et trois controles de billets. Que ceux qui esperent passer une nuit paisible s'en mefient! Ainsi, a 3h du matin, je suis soudainement reveille par un garde frontiere bulgare qui bondit dans mon compartiment: "Passport control!" Cote turc, nous devons sortir dans la nuit froide pour obtenir le visa. Je compte le nombre de passagers: nous ne sommes que 29 dans ce long train.

24/01

Nous traversons les banlieues endormies et stoppons au coeur de la vieille Constantinople. Les deux monuments les plus celebres de Turquie m'apparaissent apres cinq minutes de marche. Aya Sofya et la mosquee bleue se font face, separees par un flot continu de touristes et d'autocars. Un peu d'organisation s'impose: je choisis une auberge de jeunesse au hasard dans mon Lonely Planet, depose mon sac dans un dortoir de 9 lits, pars changer les quelques euros qui me restent et porte mon linge a laver.

mosquee bleue

Les rues de Sultanahmet sont tres animees. Je commence a prendre mes reperes. Il y a de nombreuses mosquees dans le coin et elles se ressemblent toutes pour qui n'a pas l'habitude. Ce quartier est rempli d'hotels, de restaurants, d'agences de voyage et de turcs qui se montrent plus que chaleureux envers les touristes. Ils m'appellent tous "my friend"!

Ma chambre loge un neo-zelandais employe par la Coca Cola Company et cinq jeunes coreens tres souriants. L'un d'eux rentre au pays demain; il nous paye sa tournee au bar de l'Istanbul Hostel. Je me couche au milieu de mes nouveaux amis, content de passer la nuit dans un lit.

25/01

J'emmene les coreens dejeuner dans l'un des restaurants recommande par mon guide. L'atmosphere est sympa mais helas les prix ont double depuis la publication. Ils m'apprennent que mon prenom s'apparente au mot coreen pour "fourmi" et au mot turc pour "mosquee" (camii, prononcer djamii).

Notre apres-midi est dediee a la visite du Topkapi Palace, la residence historique des Sultans. Je suis content de voir que la moitie des visiteurs au moins sont turcs. Ils sont tres interesses par ce lieu symbolique; les enfants se pressent autour des vitrines. Nous passons en revue les cuisines, la salle d'audience et le harem.

topkapi

Dans la partie la plus reculee du palais, reservee au sultan et a ses proches, on accede a la salle des reliques sacrees. Je suis etonne d'y trouver rien de moins que le baton de Moise, l'epee du roi David, la coiffe de Joseph, le manteau et le sabre de Mahomet ainsi que quelques uns de ses poils de barbe conserves dans de petites eprouvettes de chimiste. Ces objets ont ete collectes a travers le Moyen-Orient par les differents sultans et precieusement conserves a Constantinople. Il me semble que quelques negociants malins ont du faire fortune avec peu de choses...Quoi qu'il en soit, c'est impressionnant: a personnages legendaires, possessions legendaires...

Le tresor ottoman se trouve dans l'aile Est: artisanat perse, vases Ming, orfevrerie syrienne et irakienne...Les pieces sont remplies d'or, de diamants et de pierres precieuses, de quoi rendre fou Arsene Lupin.

26/01

Exploration aleatoire des rues de Sultanahmet. La majorite des touristes sont d'origine asiatique: japonais, coreens, chinois. Les rabatteurs sont experts en physionomie et linguistique. Ils n'ont jamais besoin de plus de deux essais pour deviner mon origine francaise, puis ils enchainent avec de petites phrases amicales. "Bonjour! Ca va? Tu as faim?" Ils sont capables de proceder ainsi dans toutes les langues du monde.

Le soir, je rejoins les coreens a Eminonu pour manger un Fish Kebab au bord de la Corne d'Or. On nous tend directement depuis le bateau un morceau de maquereau grille et des rondelles d'oignons enfermees dans du pain frais. L'air est charge d'odeurs de poissons et de cris de bateliers. Mes compagnons m'apprennent ensuite a jouer au backgammon. C'est un jeu tres populaire dans tout le Moyen-Orient; les turcs l'appellent "Tavla" et y jouent des qu'ils en ont l'occasion. Le manager de l'auberge s'immisce dans la partie et m'enseigne quelques strategies. C'est le debut d'une longue carriere pour moi.

27/01

Mes photos de famille et ma pratique de la flute coreenne ont eu beaucoup de succes aupres de Jin-Yong, Sehee, Tae-Young, Yewon and Kweon. Ils repartent aujourd'hui vers leur vie d'etudiant apres m'avoir laisse leurs adresses emails.

tavla

Dans l'apres-midi, une jeune fille me voyant hesitant et penche sur mon guide engage la conversation. Elle est contente d'exercer son anglais car c'est son domaine d'etudes. Elle m'invite a boire le the (çay, prononcer tchaye) chez son cousin qui tient un restaurant a deux pas d'ici. La piece est en contrebas sur le cote gauche d'une rue commercante et baigne dans une atmosphere tres ottomane: tapis et moquettes aux tons rouges, eclairage tamise et des livres un peu partout. Le cousin en question est un grand turc charismatique. Ses longs cheveux depassent d'un bandana noir, il est souriant et mal rase. Comme beaucoup, il habite sur la rive asiatique et prend le ferry chaque jour pour se rendre au travail. Un couple de Dubai rejoint la conversation et l'oriente vers le delicat sujet des nationalites. "Il n'existe que deux nationalites que je n'aime pas: les americains car ils ne respectent pas les autres peuples et les chinois car ils ne respectent rien". "Et les kurdes?" "Les Kurdes et les Turcs, c'est pareil. On n'a aucun probleme ensemble." "Et les Grecs?" "Ah! Ils en veulent toujours plus. Les Turcs sont OK. S'il y a des tensions aujourd'hui c'est de leur faute." "Les italiens?"Ils sont comme nous! Chaleureux, bavards, fiers. La famille est tres importante dans nos pays et la cuisine est comparable."

Je propose a un bresilien inactif de terminer la soiree par une partie de Tavla . "Tu ne connais pas les regles? Pas de probleme, ce jeu n'a aucun secret pour moi. Je t'apprends si tu me payes une biere!" Ce soir la, il perdit deux parties et une consommation.

28/01

Je me promene avec Vicente. Il etudie la litterature a Porto Allegre et reussit a me decourager de lire James Joyce en monologuant pendant un quart d'heure au sujet de son style et de son oeuvre. Tout en parlant, il agite son index gauche dans toutes les directions et remet sans cesse ses lunettes en place. Une agreable surprise nous attend pour casser la croute. Une echoppe nous echange un Tavuk Kebab (poulet) et un pot d'Aryan (yaourt) contre 1.50YTL. Cela me change des prix touristiques que j'ai du endurer jusqu'a maintenant et ce lieu deviendra un point de passage regulier pendant ma vie a Istanbul.

A 17h, je fais le tour de l'hotel pour saluer le personnel que je connais maintenant bien: le dynamique manager passionne de Tavla et ayant toujours le mot pour rire; le veilleur de nuit, un homme triste de par sa fonction, qui passe son temps a bouquiner dans un fauteuil de la reception; le cuisinier desoeuvre qui prepare les petits dejeuners (invariablement une assiette contenant 6 olives, 2 morceaux de concombre, 2 quartiers de tomate, 1 tranche de Feta et 1 oeuf dur, servis avec du pain et de la confiture). Je pars a pied en direction de la Corne d'Or. Je serai accueilli cette semaine, grace a Hospitality Club, par un etudiant kurde.

Collection de mots...

Insolites...

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Camille chez les kurdes, 28 Janvier - 03 Fevrier

mosquee

28/01

Je n’ai pas encore evoque la sonorite d’Istanbul. elle plonge pourtant le visiteur dans une ambiance tres orientale des son arrivee. Outre les sirenes de bateaux qui circulent au coeur de la ville, outre les harangues de marchands ambulants qui poussent leurs chariots dans les ruelles en vantant leurs poissons, leurs patisseries ou leurs legumes, outre les appels de collecteurs d’eau qui livrent les bonbonnes de vingts litres et reprennent les vides, il y a par dessus tout cela les appels a la priere, cinq fois par jour depuis des siecles. Cela commence par un chant plaintif et melodieux sur une lointaine colline puis, se propageant comme les signaux de fumee des Indiens, les muezzins se repondent d’un minaret a l’autre et bientot la clameur divine resonne dans la ville entiere. Quelques rares personnes interrompent alors leurs affaires du jour et se dirigent vers la mosquee voisine, mais la plupart n y font pas attention.

Aujourd’hui je fais partie de ces derniers, car j’ai autre chose en tete et un sac sur le dos. Fatih m’a laisse des instructions precises pour se rendre chez lui: de Tunel, tu montes dans le vieux tramway jusqu’a Taksim, puis tu prends le bus 559c…ce nombre m’impressionne: existe-t-il 1677 lignes de bus ici? Fatih etudie le Genie Civil a l’ITU (Istanbul Technical University). Il loue un T3 dans un quartier nord et, ses colocataires etant en vacances, il y a deux chambres de libres! Serhat se joint a nous dans la soiree et nous faisons connaissance confortablement installes dans de gros poufs. Ils sont d’origine kurde; ils ont la peau sombre et les yeux marrons caracteristiques de l’Est du pays.

bateau

29/01

Nous traversons dans le froid le paisible campus de la Bogazici Universite. C’est l’ecole la plus prestigieuse du pays; les batiments et l’enseignement y sont tres Anglo-Saxons. Nous descendons ensuite vers le riche quartier de Bebek, au bord du Bosphore. De nombreuses enseignes internationales sont visibles dans les rues. Il y a d’excellents restaurants a poisson dans le coin mais leurs prix sont inabordables. Un peu plus loin nous sommes stoppes par deux policiers. Ils ont repere le chale kurde de Fatih et souhaitent verifier nos identites. D’apres lui, cela arrive tres rarement mais les kurdes sont controles en priorite. Assis dans un cafe en bord de mer, nous regardons la neige tomber abondamment, chose rare a Istanbul. Les passants baissent la tete et accelerent le pas.

Nous dinons de bonne heure au 'Chark Sofrasi'. Cette bonne adresse sert toutes sortes de kebab sur d’elegantes tables basses en cuivre. L’Ayran arrive dans de grands bols et se boit a la louche, le pain est apporte tout chaud, la viande a un bon gout de barbecue; le tout pour environ 6 euros. Nous rentrons parmi les embouteillages du soir, particulierement mauvais aujourd’hui a cause de la neige.

dome

30/01

Qui visite Istanbul doit aller voir la grande Aya Sofya; je choisis ce mercredi matin pour le faire. L’interieur est a la hauteur de sa reputation: grandiose. Construite en 537 par l'empereur byzantin, elle fut la plus grande eglise de la chretiente durant plus de mille ans. Les ottomans la convertirent en mosquee, c’est a dire qu’ils ajouterent quatre minarets a l’exterieur, de gigantesques calligraphies arabes et un Mirhab (sorte d’autel indiquant la direction de La Mecque) a l’interieur.

Quelqu'un a accepte de me servir de guide cet apres-midi! Seyma etudie la philosophie a l’universite francophone de Galatasaray. Nous nous y rendons pour consulter les resultats d’examens. Il s’agit de quelques nobles batiments au bord du Bosphore coinces entre le pont Ataturk et le palais dolmabahçe. Cette universite n’accueille que peu d’etudiants dans un cadre privilegie. Depuis sa cafeteria on peut tranquillement regarder la course des ferries pourchasses par les mouettes et, au loin, le defile de camions entre l’Europe et l’Asie.

Seyma me presente ensuite un cafe a Narghile dans les entrailles d’un immeuble: lieu sombre, ambiance detendue et musique douce. Nous gagnons une partie de Tavla chacun et j’essaye le cafe turc. Epais, il laisse en bouche des residus de cafe que l’on rince avec un verre d’eau. Hmm…Pas etonnant que les locaux lui preferent le the! Comme chaque jour, des pecheurs sont places le long du pont de Galata. Un peu plus loin, dans les rues de Sultanahmet, les plateaux de çay circulent de boutique en boutique. Je beneficie grace a elle des prix turcs pour gouter au Lahmacun (pizza turc) au lieu du tarif touristique, toujours un peu gonfle ici.

31/01

Je retrouve aujourd'hui James, un coreen rencontre a l'ambasse d'Iran. C'est un confrere qui parcourt le monde en solo depuis sept mois et a deja l'Amerique et l'Asie au compteur. Il me donne de bons tuyaux pour l'Inde et le Nepal. En retour, je lui fais profiter de ma connaissance d'Istanbul: je le conduis dans mon internet cafe puis je l'emmene vagabonder dans les quartiers de Tophane et Taksim. Dans une ruelle paisible et pentue, nous rencontrons des enfants qui jouent au football. Ils font la pause devant mon appareil photo et je leur donne des gateaux secs en remerciement.

Je reclame un plateau de Tavla au Kafeka Cafe afin d'initier mon compagnon. La piece est remplie de joueurs et de dicussions. Le tenancier est un passionne, ces yeux petillent lorsqu'il regarde une partie de backgammon. Il ne resiste pas a la tentation d'intervenir. "Non, non, ne joue pas ça! Regarde, tu peux faire ce coup la, tu occupes une case, c'est mieux. Ca va le bloquer." Il viendra ainsi a de nombreuses reprises pour nous prodiguer conseils et encouragements. James est enchante par la lecon. Il part ce soir vers la cote ouest de la Turquie. Son planning est plus serre que le mien: Ephese, Hierapolis et Cappadoce en quatre jours! Moi je rentre a l'appartement ou je trouve Fatih devant la tele. Le debat national au sujet du port du foulard a l'universite est sur toutes les chaines!

itu

01/02

J'accompagne Fatih a son universite ou il doit recuperer certains papiers. ITU est l'usine a ingenieurs de la ville. Elle se trouve dans le quartier des affaires, encadree par de hauts immeubles recents. Nous croisons quelques etudiants errants dans les couloirs malgre les vacances. Des amis de Fatih ne tarde pas a nous rejoindre. J'ai du mal a suivre les conversations, mais le petit groupe s'interesse a ma personne: "Qui es-tu? D'ou viens-tu? Ou vas-tu? Tu n'as pas encore vu la rive asiatique de la ville? Ca ne peut plus durer!" Mirza m'invite illico a dormir chez lui ce soir, en Asie. Je le suis tout content.

C'est un petit homme a l'air severe. Lorsqu'il parle turc, il me donne une impression d'agressivite. Lorsqu'il passe a l'anglais en revanche, je realise qu'il est doux comme un agneau. Nous embarquons a Besiktas. Le vent du large est glacial et des mouettes nous suivent de pres. Et hop: un pied, deux pieds, je suis en Asie! Le quartier d'Uskudar est tres anime, les embouteillages sont ici aggraves par le chantier du tunnel sous le Bosphore que la Turquie a entrepris en 2005. Il reste quelques badauds le long des quais. Le soleil, bas a l'horizon, met en valeur les nombreux minarets de la ville et le panorama devant la Tour de la Princesse ferait une belle carte postale.

Mirza habite dans un bloc d'immeubles residentiels. Il me presente Hasan, qui ne parle pas anglais mais offre de genereux sourires. C'est l'occasion de s'assoir par terre pour prendre un çay et discuter. J'assiste enfin a la preparation de cette boisson nationale: on met sur le feu deux bouilloires metalliques superposees. Le recipient inferieur, plus volumineux, contient de l'eau. L'autre contient du the tres concentre. Au moment de servir, Hasan dose habilement l'eau de sa main gauche et le the de sa main droite, en surveillant la couleur du melange obtenu.

pylone

02/02

Nous allons acheter les ingredients necessaires a un copieux petit dejeuner dans l'epicerie du quartier. Les deux enfants qui nous servent ne doivent pas avoir plus de 15 ans. Pain, oeufs, olives noires, fromages aux herbes et les quatres tasses de çay reglementaires. Fatih et Osgun nous rejoignent pour une expedition au sommet de la colline Camlica, la plus haute d'Istanbul. Elle est reconnaissable aux nombreuses antennes de television installees a son sommet. Un petit bus bonde nous emmene peniblement vers les hauteurs. La pente est raide, le vieux moteur souffre le martyr et nous le fait entendre. Comme souvent a Istanbul, la conduite nerveuse de notre chauffeur force les passagers a monter et descendre du bus en marche. Nous terminons l'ascension a pied pour arriver dans un jardin panoramique ou les gens sont venus profiter du soleil radieux. Il y a la les anciens avec leurs chapeaux pointus, les musulmanes voilees, leurs bambins dans les poussettes, et les jeunes couples aux allures europeenes. On repere au telescope les monuments de la rive europeenne. On s'arrete au retour manger une assiette de pilav (riz + poulet + tomates + concombres). Des centaines de personnes se pressent vers les embarcaderes, et je souris a l'idee que ces gens vont chaque jour d'un continent a l'autre, en ne payant qu'un demi Euro.

03/02

Je remplis mon sac a ras bords et le hisse sur mon dos. Fatih reprendra les cours demain, je prefere le laisser a ses occupations et regagner Sultanahmet pour tenter de nouvelles explorations et de nouvelles rencontres. Dans la soiree, je retrouve une derniere fois Mirza et Osgun. Le soleil couchant illumine merveilleusement Istiklal Caddesi, la rue la plus passante du pays. Mes deux amis m'achetent une patisserie locale a base de gelee et de noisettes en guise de cadeau d'adieu. Je n'oublierai pas de si tot l'hospitalite kurde!

Collection de mots...

Insolites...

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En attendant mon visa iranien..., 03-13 Fevrier

03/02

Mon ami coreen James m'avait recommande un petit hotel de Sultanahmet tenu par deux freres turcs tres jovials. On m'y donne une chambre flambant neuve attenante a la terrasse pour 20YTL. Je peux voir la cour interieure de la mosquee voisine et, au loin, la mer de Marmara ou de nombreux tankers sont a l'encre. Le proprietaire m'expose ses idees de futurs amenagements autour d'une tasse de the puis je monte m'attaquer a ma barbe d'une semaine. La tele propose plus de 150 chaines mais la seule que je trouve en langue anglaise est Al-Jazeera EN. Je m'endors rapidement...

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04/02

Je vais trainer ce matin dans le grand bazar d'Istanbul. Il n'y a plus l'ambiance magique du temps des caravanes, mais ce lieu vaut quand meme le detour: plusieurs kilometres de galeries marchandes interieures et exterieures ou toutes les categories d'artisanat sont representees. Je n'y trouve cependant rien d'indispensable au voyageur qui devra porter ses achats sur plusieurs milliers de kilometres! Il y a beaucoup de monde et les marchands essayent d'accrocher les touristes comme ils peuvent:"Where are you from? I have very good price!" J'ai un peu de mal a sortir de ce dedale d'allees sombres et ne retrouve une rue familiere qu'au bout d'un quart d'heure.

Apres avoir passe l'apres-midi a explorer le quartier de Cihangir, je me couche en ayant en tete un constat encourageant: c'est la premiere journee que je passe seul depuis mon depart de France!

05/02

Ce mardi commence par une agreable surprise : je retrouve James en train de discuter a la reception de l'hotel! il est revenu ce matin de son expedition provinciale, avec dans ces bagages trois jeunes coreennes rencontrees en Cappadoce. Dans la belle Kuçuk Aya Sofya ( petite sainte sophie), apres avoir laisse nos chaussures sur le pas de la porte, le guardien nous fait visiter les lieux en echange de quelques pieces "d'offrandes": le Mirhab, les pierres en provenance de la Mecque, le micro du Muezzin... Les rayons du soleil penetrent par les petites fenetres et accentuent le caractere divin du lieu.

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Le defi classique pour les voyageurs de passage a Istanbul est d'assister a la priere musulmane. Un couple de francais m’avait fierement raconte comment ils etaient arrives en avance dans la mosquee bleue et avaient patiemment attendu le bon moment. Aujourd’hui nous n’avons pas cette chance : lorsque nous nous presentons a l’entree peu avant 12h30, le musulman en garde est categorique. “Pas de touristes au moment de la priere. Revenez plus tard”. Nous ecoutons donc le chant du Muezzin sagement assis dans la cour exterieure. Vers 14h, les filles insistent pour aller manger un fish kebap a Eminonu; je les y conduis. L’endroit grouille de monde malgre l’heure tout a fait quelconque et la brume enveloppe quais et passants.

Nous admirons le coucher de soleil a Uskudar. Rond et rouge, il disparait juste derriere ce que je crois etre la mosquee Fatih. C’est bientot l’heure de la priere du soir et nous ne voulons pas rester sur l’echec de ce matin. Nous nous pressons vers la mosquee en haut de la colline voisine et – oh surprise – nous sommes accueillis tres chaleureusement par l’imam. Je crois qu’il est content que quelques touristes se soient egares chez lui. Au moment de la priere, nous nous asseyons sagement en retrait. La dizaine de personnes presentes s’aligne, l’imam un cran devant eux, en direction de la Mecque. L’imam chante quelques versets du Coran puis alterne paroles et agenouillements. Ce protocole dure environ dix minutes puis tous reviennent vers nous comme si de rien n’etait et nous questionnent tour a tour. L’imam conclut la discussion en nous disant tres gentiment “Revenez quand vous voulez”.

06/02

Je me rends en bus jusqu’au quartier d’Eyup. Des tombes et des cypres sont eparpilles sur le flanc de la colline voisine. J’engage l’ascencion par d’etroits escaliers en pierre. Le chemin est difficile a trouver et me fait zigzaguer entre les centaines de tombes. Au fur et a mesure que je prends de la hauteur, la vue sur la Corne d’Or et ses alentours s’etoffe. C’est l’endroit le plus paisible que j’ai rencontre a Istanbul, il y reigne un silence de morts - c’est le cas de le dire - mais la vue compense largement l’absence de son. Arrive au sommet, je commande un çay au cafe Pierre Loti. L’ecrivain français vecut a Eyup plusieurs annees et on dit qu’il venait ici pour etre au calme et ecrire. C'est l'endroit ideal pour travailler a la redaction de mon sejour stambouliote!

J’ai demenage mon sac au Sinbad Hostel, moins cher que le precedent. Les locaux sont tristes et silencieux ; c’est la periode la plus creuse de l’annee. Les deux seuls autres clients sont dans la chambre voisine : un canadien qui attend son visa iranien depuis trois semaines et un anglais qui s’est fait extorquer une grosse somme d’argent la nuit derniere dans un Night Club. Le cimetiere de cet apres-midi etait retrospectivement bien plus gai!

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07/02

Bekir a accepte de m’heberger pour quelques jours. Je patiente debout et penaud au milieu de l’agitation des embarcaderes. Il me repere facilement parmi les tetes de turcs alentours. C’est un officier de l’armee qui se rend chaque matin dans une base militaire en peripherie de la ville pour y gerer des stocks. L’appartement qu’il occupe avec deux amis – soldats eux aussi – est moderne et meuble de façon Ikea.

Bekir et son collocataire s’appliquent a la cuisine en mon honneur : assiettes de poix chiches dans un bouillon de tomates, riz et salades de legumes frais. Les miches de pain sont passees de main en main. C’est l’ingredient roi de la cuisine turque et ils sont, loin devant nous, les plus gros consommateurs de pain au monde! Je les questionne pendant le repas au sujet de l’armee. Ils ont tous un travail de bureau mais ont quand meme droit aux activites exotiques du genre deplacement en helicoptere ou salut de groupe devant un colonel. Il y a maintenant de nombreux combats opposants les forces turques aux ‘rebelles’ du nord de l’Irak. « Mais pourquoi y a-t-il des combats ? Est-ce le probleme kurde? » « Non ! Nous n’avons aucun probleme avec les kurdes, et je n’ai jamais entendu parler dans ma vie d’une seule dispute entre un kurde et un turc. » « Mais les guerriers du nord de l’Irak sont bien kurdes ? » « Oui pour la plupart, mais ce sont des terroristes avant tout, qui essaient de rentrer en Turquie pour y commettre des attentats. » Ma curiosite n’est pas vraiment satisfaite mais je juge plus prudent de ne pas insister en presence de trois soldats et d’un drapeau turc accroche au mur du salon.

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08/02

Des amis de Bekir arrivent dans l’appartement pendant la matinee, attires par la presence inhabituel d’un français. Nous decidons d’aller tous ensemble dans un quartier de Sultanahmet que je ne connais pas encore. Il nous faudra helas une heure et demi de denses embouteillages pour rallier notre destination. La geographie d’Istanbul est comparable a un sablier geant : les bouts de terre europeen et asiatique se retrecissent progressivement jusqu’a l’etranglement final du Bosphore. La circulation est donc toujours problematique, d’autant plus que les rues sont bien plus desordonnees qu’en Europe!

Nous montons jusqu’a la mosquee de Soliman le Magnifique, construite au sommet de l’une des sept collines d’Istanbul. Ce sultan effraya toutes les nations europeennes au debut du quinzieme siecle lorsque son armee atteignit les portes de Vienne. Il repose maintenant ici, innoffensif, parmi d’autres tombes musulmanes dans le cimetiere attenant a la mosquee. Un peu plus au nord nous arrivons dans le parc Saratchane, desert et sombre. L’interieur de la mosquee Schezade Mehmet est magnifique avec son grand lustre circulaire en fer forge. La sensation de marcher en chaussettes sur les doux tapis est tres agreable. Nous nous restaurons dans une cafeteria quelconque pres de la station de tramway. Tout le monde fume malgre les panneaux d’interdiction aux murs. Une fois la nuit tombee, le froid s’accentue et nous nous depechons de rentrer.

09/02

Je fais mes adieux a ces petits soldats, amicaux et attentionnes. La-bas, vers la mer, ma derniere residence a Istanbul m’attend: une famille va m’accueillir jusqu’a l’obtention de mon visa iranien. Mais ‘la-bas’, ce n’est pas si facile d’y aller ! Je suis seul avec mon bagage encombrant dans une lointaine banlieue. Je me trompe de bus et pars dans la mauvaise direction. Toutes les rues se ressemblent... Il me faudra une apres-midi de lutte avec les bus et les embouteillages pour rallier les rives du Bosphore.

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Kubra fete aujourd’hui son anniversaire. Ayant loupe mon rendez-vous de l’apres-midi, je n’ai pas d’autres choix que de la rejoindre dans un bar de Taksim avec toutes mes affaires. Je suis joyeusement salue par une tablee de vingt personnes ! On me fait gouter au raki – l’alcool favori des turcs, similaire a notre pastis – et je reponds aux questions de l’auditoire. Kubra et une partie de ces jeunes parlent couramment français!

Taksim est l’endroit ou sortir a Istanbul : bars, cafes et restaurants occupent des rues entieres, des immeubles entiers. Notre salle se trouve au deuxieme etage et la boite de nuit dans laquelle nous nous rendons a partir de onze heures est au cinquieme, juste sous les toits. L’employe de la consigne est surpris de se voir confier un sac a dos de quatorze kilos ! Cote ambiance, c'est comme chez nous: des jeunes au regard alcoolise dansent les uns contre les autres au son de tubes internationaux bien connus. Des chansons turques et arabes sont passees de temps en temps, la salle se remplit alors de danses du ventre et autres fretillements d’epaules...

10/02

Je me reveille dans l’appartement des Gurkan. Le pere a un petit business d’agence immobiliere; ils passent en revue les annonces devant l’ordinateur du salon. La mere fait des allers-retours entre la cuisine et la table du petit dejeuner en veillant sur notre groupe de jeunes rentre dans la nuit. Je pars faire la promenade du dimanche dans les rues de Kadikoy en compagnie de Kubra et Berrin. Les vitrines alimentaires sont toutes apetissantes car la presentation a beaucoup d’importance en Turquie (acceder aux photos). On choisit un DVD pour la soiree. Les boutiques vendent des copies de films americains enveloppees dans du film plastique pour le prix d’une location en France. 1h30 de fous rires devant Sleepers de Woody Allen, puis le sommeil est la.

11/02

Mr Gurkan m’accompagne au ferry sur le chemin de son travail. Se deplacer a Istanbul est tres facile: il suffit de se placer au bord d’un boulevard en levant le bras et on n’attend pas plus de dix secondes avant qu’un minibus s’arrete a notre hauteur. Le chauffeur nous rend la monnaie d’une main tout en negociant un virage de l'autre. Il y a interet a s’accrocher! Lorsque j’arrive a l’embassade d’Iran, les portes sont closes. Le gardien m’explique qu’il y a une celebration en Iran et qu’il faut revenir demain.

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Je rejoins mes deux amies a Taksim apres leurs cours. Il fait tres froid, nous partons nous refugier dans un cafe en haut d’un immeuble. La vue est belle et le serveur tres sympathique. Il vient regulierement changer les braises de notre Narghile et me demande malicieusement si le service est aussi bon en France. Fort et souriant, il arbore une moustache virile. « que penses-tu d’Istanbul? Que penses-tu de la cuisine turque ? Que penses-tu des femmes turques? » Au moment de partir, il me fait la bise et me tapote l’epaule.

Nous passons la soiree dans la famille de Berrin, d'origine albanaise. L’ambiance y est digne des meilleurs sitcoms. La maman demande des nouvelles de tout le monde. Le papa, fatigue par son travail, dort sur le canape du salon malgre les conversations alentours. Leur fils de 18 ans, lorsqu’il n’est pas devant l’ordinateur, passe en coup de vent en distribuant blagues et clins d’oeils. Berrin s’entraine a l’accordeon qu’elle vient de s’acheter. Sa tante me predit l’avenir dans le marc de cafe en fumant des Malborough. Elle parle sans hesitations, en observant la tasse de cafe sous tous les angles. Elle devine les circonstances de mon voyage et me livre quelques pistes quant a son deroulement futur. Il y a aussi des revelations plus originales, comme par exemple le fait que j’aime les femmes qui portent des talons, meme si je ne le sais pas encore...

Ces gens passent la moitie du temps a rigoler. Ils me nourissent jusqu’a ce que je sois oblige de defaire le premier bouton de mon pantalon. On me donne une chambre, un lit et un pyjama pour la nuit, avec le sourire.

12/02

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A l’ambassade d’Iran, j’ai un nouvel interlocuteur. Au bout de dix minutes, il retrouve mon dossier qui n’a sans doute pas bouge depuis quinze jours. Cependant il m’annonce la bonne nouvelle : « votre visa sera pret demain matin ». Je lui laisse mon passeport et ressors avec un grand sourire. Kubra me rejoint a Eyup et nous descendons tranquillement le cimetiere jusqu’aux rues animees. La mosquee du sultan Eyup est un lieu important pour les musulmans car il fut un contemporain et un supporter de Mahommet. Son mausolee est orne de carreaux de faiences : motifs bleutes complexes sur fond blanc. Dans un coin de la piece, une vitrine faiblement eclairee renferme une empreinte de pied du Prophete. Des femmes voilees se pressent autour et l’une d’elles sort son telephone pour photographier la relique!

Mon dernier repas chez les Gurkan est livre par Pizza Hut. Je leur montre quelques photos puis tout le monde s’affronte au bras de fer. Je gagne le droit de revenir quatre jours en pension lors d’un prochain sejour a Istanbul (le combat etait truque :P ).

13/02

Les parents sont en pyjamas sur le pas de la porte pour nous dire au revoir. La maman ne me laisse pas repartir sans une grosse echarpe en laine, indispensable pour affronter le froid de l’Est Anatolien d’apres elle. J’accompagne Kubra, son frere, Berrin et leurs amis jusqu’a la rive europeenne et les laisse continuer vers l'universite. Ils ont accueilli un inconnu comme un frere et grace a eux mes derniers jours a Istanbul comptent parmi les meilleurs.

Je recupere mon visa vers 10h et achete un billet a destination de Goreme, le centre touristique de la Cappadoce. En me promenant dans les rues de Sultanahmet, je regarde avec amusement les touristes fraichement debarques. Je suis chez moi et les rabatteurs le sentent: ils ne m’adressent meme plus la parole. Trois semaines, c’est ideal pour s’approprier une ville!

Dans la navette qui m’emmene vers la banlieue, j’apercerçois sur le cote gauche de l’autoroute l’Otogar d’Istanbul. Des centaines de points blancs sont sagement alignes autour d’un enorme batiment. Chacun d’eux materialise pourtant un bus de cinquante places! Ce moyen de transport est si florissant en Turquie que leurs gares routieres ont la taille de nos aeroports. Il fait nuit et la neige tombe doucement. Ce gigantesque ensemble de beton et de lumieres jaunatres me fait penser a une base spatiale. C’est l’endroit ideal pour un depart vers les paysages lunaires de la Cappadoce...

Collection de mots...

Insolites...

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